Découvrez le récit d’un passionné pour sa Porsche 356 C Cabriolet. Daniel Lallemand nous raconte sa passion pour Little Blue, une envoûtante 356 à la livrée Sky Blue.

La première fois que j’ai rencontré une Porsche 356 c’était courant de l’été 1969. Je faisais alors mon service militaire (obligatoire) en Allemagne, eh oui je suis un tout jeune septuagénaire ! Avec quelques troufions, lors d’une permission, nous nous rendions par l’autoroute vers la belle ville de Constance bordant le lac du même nom (Bodensee en Allemand), à bord d’une magnifique Chevrolet Camaro convertible appartenant à un militaire du contingent. C’est alors que nous nous fîmes doubler par une sublime Porsche 356 cabriolet couleur ivoire avec les deux grilles sur le capot moteur. Le bruit du V8 de notre auto ne nous a pas permis d’apprécier celui du flat 4. Mais à cet instant précis ce fut pour moi le coup de foudre*, voire une révélation pour cette belle allemande.

 *coup de foudre = kiffer.

Une Porsche 356 C Cabriolet aux lignes envoutantes

Déjà à l’époque les commentaires allaient bon train sur la ligne de la nouvelle 911 qui venait de sortir quelques années plus tôt, beaucoup regrettaient les courbes des 356, ce qui était mon cas. Je la trouvais plus « rigolote », plus arrondie, peut- être aussi parce que je suis un fou de cinéma et que l’histoire de la 356 a aussi puisé son succès dans la légende de James Dean. Certes tout juste après, nous avons tous été séduits par les courbes d’une certaine 911 2,2 S gris ardoise toit ouvrant, arrivant au petit matin en direction du Mans, dans le film « Le Mans » d’autant que cette belle allemande était conduite par une autre légende : Steve Mac Queen. Mais je suis resté sur mon « coup de foudre* » et j’ai dû attendre plusieurs décennies pour réaliser mon rêve.

Quelque 35 ans plus tard : la recherche

Cette fois le modèle est choisi ce sera une 356 C de préférence un cabriolet ou un coupé selon le budget. Une 356 C parce que c’est la dernière génération des 356 où tout a été optimisé et surtout pour ses quatre freins à disque gage de sécurité pour une ancienne.

Pourquoi le modèle C et non pas SC ? Eh bien parce que la différence est plus importante en prix qu’en performance. De plus les férus de mécanique m’ont laissé entendre que les carburateurs Zénith des C seraient plus faciles à régler que les Solex de SC ?

On craque d’abord pour un véhicule ancien par passion , par envie, mais aussi pour son look , le son de l’échappement, l’ambiance générale à l’intérieur parfois même pour les odeurs, jusque là c’est un peu comme l’achat d’une œuvre d’art.  La différence est qu’on peut rouler avec et retrouver des sensations qu’on croyait à jamais perdues.

C’est aussi pouvoir rouler autrement sans que les passants atteints d’autophobie incurable nous jettent des cailloux, mais aussi pour se faufiler sur la route en ayant plus de chance de conserver ses points de permis.

Le parcours du combattant a donc commencé très rapidement, j’étais déjà inscrit sur un célèbre site internet spécialisé Porsche, depuis 2004 ( 911andCo n’existait pas ) . J’ai pu y puiser une mine d’informations, lire et relire des discussions de passionnés etc… Je dois avouer aussi que j’étais plutôt difficile quant au choix de la couleur : ni grise, ni noire, ni rouge, ni blanche !

Le premier garage que j’ai visité, faisait venir les autos principalement des US,  le gérant sympa, passionné, motivé très bon vendeur, trop ?? Finalement plus je l’écoutais moins je savais ce que je voulais. En clair j’étais complètement paumé et puis faire venir une auto des US en commençant évidemment par le règlement bancaire, ce qui est tout à fait légitime, je n’étais pas encore mûr pour cette gymnastique inhabituelle pour un Français moyen.

Les mois passaient, passaient et rien à l’horizon, sauf sur internet aux USA, mais, je n’étais pas prêt à sauter le pas de l’autre côté de l’Atlantique et partir ainsi dans l’inconnu, d’autant qu’à la lecture de plusieurs articles, les 356 s’avéraient souvent être des caches-misères.

Et puis un beau matin j’ai vu une annonce dans un hebdomadaire spécialisé de voitures anciennes. L’auto était bien un cabriolet C de couleur Ivoire ( donc pas blanche) avec un bel intérieur cuir rouge foncé, pour un budget raisonnable (pour l’époque). J’ai téléphoné et pris rendez vous pour aller voir la belle à une soixantaine de kilomètres de mon domicile, non, mais je rêve ?

Le vendeur très passionné, donc sympathique, m’a présenté une pile de documents, de factures en m’affirmant qu’elle était « Matching numbers », il m’a expliqué qu’il avait fait beaucoup de travaux par lui même et que la carrosserie avait été réalisée par un spécialiste localement bien connu (que je ne connaissais pas).

Le dessous était peint en couleur carrosserie ! J’ai trouvé ça original mais pas convaincant. Pour terminer il a soulevé le capot avant et mis un morceau de bois pour le maintenir ouvert, visiblement il y avait encore quelques petits détails à revoir. Le point positif c’est cette poire qu’il avait rajoutée pour alimenter les carburateurs qui étaient bien des Zénith, car même si ce montage n’était pas d’origine j’ai trouvé ça judicieux.

Je n’ai pas souhaité faire un essai de l’auto, car j’étais un peu sous le choc de ce premier contact avec une 356, je n’allais pas abuser du temps du vendeur pour lui confirmer que je ne souhaitais pas acheter son auto, au retour j’ai pensé que j’avais fait peut-être fait la connerie de ne pas l’acheter …

Quelques temps après, une connaissance m’a mis en contact avec une de ses relations, qui connaissait quelqu’un qui avait une 356 Cabriolet exceptionnelle à vendre et pas chère ! Houla ! J’ai donc fait le déplacement à 300 km de mon domicile pour aller voir cette merveille ! Eh bien là c’était un must cette 356 ! Sauf que ce n’était pas le modèle précis que je cherchais, mais quelle splendeur, c’était un sublime cabriolet AT2 de 60 cv ( dit moteur « Dame ») gris argent, intérieur cuir bleu marine et capote bleu marine, avec le vrai son du flat 4 qui va bien. Cette auto sortait tout droit d’une restauration complète, avec toutes les factures d’un des plus importants spécialistes  de la 356 en Europe ! J’étais complètement déstabilisé, car l’auto était comme neuve, prête à prendre la route et rentrait tout à fait dans mon budget, j’ai quand même demandé au vendeur 24 heures de réflexion (dont environ une vingtaine d’heures sans dormir).

Qu’auriez fait à ma place ? Mon épouse m’a dit : « tu fais ce que tu veux, car je n’y connais rien », j’avoue que ça ne m’a pas beaucoup aidé, mais avoir une épouse qui vous dit « tu fais ce que tu veux » c’est quand même sympa.

Bon j’ai peut être fait une autre connerie, car je n’ai pas donné suite :

  1. Ce n’était pas le modèle que je cherchais depuis des mois.
  2. Elle était grise (comme plein de Porsche )
  3. Elle avait le moteur « Dame » de 60 cv
  4. Elle avait les freins à tambour

Enfin j’ai trouvé deux modèles sur un site de vente international dont les offres à la vente sont classées par marque et par type de véhicule.

J’ai sélectionné ces deux modèles qui était chacun pratiquement au même budget, le premier un Roadster Super 90 ( rarissime ) couleur ivoire intérieur tan, capote beige en dépôt vente chez un concessionnaire d’une grande marque allemande dans un état du Nord des US, avec des dizaines de photos convaincantes et le Certificat d’Authenticity Porsche.

Le seul problème : pas de freins à disques, mais bon tout le reste était juste exceptionnel.

De plus un Français installé en Floride pouvait s’occuper du rapatriement de l’auto, donc que du bonheur !

Pour réserver, il suffisait d’envoyer un virement de 1000 $ de « deposit »

Après une nuit de sommeil version light, dès le lendemain j’ai appelé le garage dès 15 heures ( soit 9 heures heure locale) et là stupeur : l’auto avait été vendue en fin d’après midi ( heure locale ) à un professionnel !

J’avoue que pour le coup j’ai été très déçu, mais cet exemple sert de leçon, les affaires c’est comme ça.

Je me suis donc rabattu sur le second modèle en vente sur le même site internet : une 356 C cabriolet couleur Smyrna green ( un très joli vert amande) intérieur skaï tan ( cognac) capote beige, modèle européen avec le gros chauffage, l’ensemble très séduisant. En vente dans un garage connu à Londres spécialisé dans les voitures d’exception.

Rendez-vous est pris pour aller voir la belle en un aller et retour « d’Eurostar ». Déjà j’adore Londres, le côté décalé, l’ambiance, les gens. De plus j’ai retrouvé le fils d’un ami qui travaillait à l’époque dans la City, et qui, passionné  lui-même de voitures, s’est fait un plaisir de m’accompagner au garage. Quand le patron du garage a ouvert la porte il y avait du beau monde dans le hall, genre de voitures de légendes habituées des Hunaudières  au Mans Classic, sans vouloir donner les détails.

La 356 était là, j’avais l’impression qu’elle n’attendait que moi comme un chien qu’on va adopter dans un refuge et qui vous regarde en vous disant « emmènes moi ».  J’ai bien vu que le moteur était un peu « gras », que le dessous de l’auto visiblement n’était pas terrible, genre lifting mal fait qui donne impression de « pire qu’avant » et qu’il y aurait donc un peu de boulot de restauration, mais bon parfois l’indulgence dope la passion ou alors c’est l’inverse, on a fait un  tour avec dans le quartier et même des Anglais ont levé le pouce à notre passage. Cette fois j’étais conquis de surcroît dopé financièrement par la baisse de la livre …

Rendez-vous est donc pris une semaine plus tard pour revenir chercher l’auto après avoir effectué le virement bancaire. Le gérant du garage a eu la gentillesse de m’accompagner au départ du Shuttle pour m’éviter la conduite à gauche.

C’était fin mai 2009, ce jour la météo avait des airs d’apocalypse avec de la tempête, des trombes d’eau, pas question donc d’essayer le fonctionnement de la capote.

Puis dans le rétro, au bout d’une centaine de kilomètres je ne savais pas vraiment si je voyais de la fumée bleue ou du brouillard ????!!!!

Misère, Misère ! J’ai pris la 1ere sortie d’autoroute pour stopper la belle verte, devant l’entrée d’un chemin conduisant à une ferme, sans vraiment savoir où j’étais, je sors de l’auto, très vite  trempé, le temps d’enfiler mon vieux Burberry  qui n’était guère plus récent que l’auto,  je regarde sous la salle des machines et j’observe une flaque d’huile qui avait bien du mal à se mélanger à la pluie tombante.  Il y a dans la vie des moments plus agréables, mais il y a pire aussi.

J’appelle l’assistance,  après avoir eu les renseignements téléphoniques qui m’ont permis de localiser l’endroit où j’étais grâce au nom sur la boîte aux lettres près de laquelle j’étais garé.

Une bonne heure plus tard le dépanneur est arrivé pour mettre l’auto sur un plateau en m’avouant que c’était la première fois qu’il voyait une Porsche aussi ancienne, j’aurais pu rajouter que c’était la première fois que je tombais en panne avec, mais sur l’instant j’étais dépourvu de la moindre note d’humour.

Deux heures plus tard allégé d’environ 200 euros de note de taxi, car évidemment pas de gare proche de l’endroit où j’étais… j’ arrive donc au domicile plus tard que prévu … je préfère vous laisser imaginer la soirée !

C’est un ami qui m’a donné les coordonnées de RS Services, spécialiste Porsche indépendant, installé au sud de Caen. Ce garagiste est donc venu chercher l’auto avec un plateau au garage du dépanneur.

Pour ses premiers tours de roues dans notre beau Pays cette Porsche a donc fait plus de kilomètres sur un plateau que sur ses quatre petites roues de 15 ‘’.

Entre temps j’avais reçu le Certificat d’authenticité de Porsche, qui, bonne surprise, confirmait que le N° de moteur correspondait bien à celui qui était dans le véhicule. De plus la couleur d’origine finalement n’était pas Smyrna green, mais Sky blue référence 6403, et l’intérieur tan, d’origine !! Effectivement en grattant dans la boîte à gants, on a bien le retrouvé le bleu ciel de la carrosserie. Quelle belle composition de couleurs rarissime pour une 356 Cabriolet C, moi qui voulait une couleur originale j’étais aux anges, sans savoir que sept années plus tard l’usine allait sortir le boxter 718 ( un come back au flat 4) en bleu Miami au catalogue !

Le bonheur total après la tempête ! Fort de ces bonnes nouvelles nous décidâmes mon épouse et moi de faire restaurer l’auto au top du top, par ce garagiste spécialiste indépendant Porsche, chez qui j’avais noté une passion sans limites pour la marque Porsche et notamment pour les classics.

Rendez-vous dans le prochain article dédié à Little Blue pour découvrir l’histoire de sa restauration…