Préambule
Ce dossier n’a pas pour but d’examiner en détail les caractéristiques techniques de cette nouvelle Porsche mais de vous donner le ressenti d’une prise en mains du Taycan sur environ 150 km qui m’a laissé totalement sans voix !
Amoureux depuis que je conduis des moteurs atmosphériques qui chantent, qui montent dans les tours, avec pour certains qui hurlent comme ceux des Honda de la grande époque (S2000), de certaines Ferrari et des dernières GT3 RS, je me retrouve ici au volant d’une voiture ou plutôt d’un concentré de technologie dont je n’imaginais pas un seul instant qu’il allait me procurer un tel plaisir ! Alors c’est parti…après un petit retour en arrière.
La Lohner Porsche
En 1897, Ludwig Lohner, autrichien fabriquant de véhicules hippomobiles, recrute Ferdinand Porsche, alors âgé de 22 ans. Passionné de technique, celui-ci invente au sein de l’entreprise un moteur électrique intégré dans la roue et c’est ainsi qu’un prototype de voiture électrique (un moteur dans chaque roue avant) est présenté en 1899 sous le nom de Lohner Porsche Semper Virus.
Puis très rapidement Ferdinand y ajoute un moteur thermique et crée ainsi la première voiture hybride au monde !
120 ans plus tard, Ferdinand ne serait sans doute pas peu fier du modèle Taycan avec sa transmission électrique motricée par les quatre roues !
Le Taycan
Avec sa batterie de 800 volts, la plus puissante au monde pour une voiture électrique de série, le Taycan existe en quatre versions avec des puissances allant de 435 à 625 cv, en partant de la 4 S jusqu’à la Turbo S. Lorsqu’elles passent en Overboost, les Taycan Turbo et Turbo S voient leur puissance monter respectivement de 625 à 680 et 761 chevaux. Le couple variant lui de 850 à 1050 Nm ! Avec une longueur de 496 cm pour une largeur de 196 cm et une hauteur de 138 cm nous sommes en présence d’un engin plutôt imposant dont le poids de 2300 kg à vide veut dire à priori que les velléités sportives resteront ….sur le papier et pourtant… !
Premier Contact
En Mars, ayant été invité à son lancement par le Centre Porsche IMSA de Caen, j’avais été totalement séduit par l’arrière du Taycan, qui est vraiment superbe, bien plus beau que celui de la 992, beaucoup trop lourd lorsqu’il n’est pas équipé du « pack sport design », grâce auquel il s’affine, la plaque d’immatriculation allégeant alors son aspect.
L’avant, de son côté, m’avait désarçonné par son aspect très futuriste et j’avais hâte de le voir dans son monde naturel, la route, où dans sa couleur « bleu gentiane », je le trouve absolument magnifique, car cette couleur lui fait ressortir les ailes et les nervures du capot sans oublier le bouclier très en harmonie avec le reste !
Au Démarrage
Une fois quelques explications données par l’un des commerciaux du Centre Porsche, je quitte tout doucement celui-ci au volant du modèle intermédiaire Turbo qui a les quatre roues directrices dans un silence inhabituel et pour cause !
Je note immédiatement la finition irréprochable du modèle, digne du haut de gamme qu’il est ! Puis, disons-le tout de suite, il y a tellement de possibilités de réglage du châssis et d’assistances diverses, qu’il doit falloir au moins 5000 km pour tout intégrer sans oublier tout ce qui est lié à l’agrément général de l’habitacle. Vu que personnellement je souhaite conduire et ne pas être conduit, je supprime grâce aux différentes commandes et autres touches tactiles, toutes les assistances (aide au maintien dans la file, gestion des distances de sécurité par exemple, arrivée d’un véhicule en face, etc) sauf l’anti patinage, vu le couple qui sur le papier est énorme et immédiat.
A la première accélération et en ville, disons autour de 50 km/h il y a comme un bruit de sifflement, pas très agréable, mais inhérent à tous les modèles électriques, puis au fur et à mesure de l’accélération ce bruit s’estompe et on n’entend plus que les bruits de roulement particulièrement bien étouffés, ce qui n’était pas évident vu la taille des jantes et des pneus ; je me souviens encore de mon essai de la 1ére Panaméra hybride où en électrique le bruit de roulement était tellement désagréable que j’avais rapidement mis la position thermique, le son du V6 étant bien plus agréable !
Quatre Voies et Autoroute
Avec la puissance immédiate…on est également aussitôt à 110 ou 130 km/h et je ne peux que conseiller d’avoir en permanence le compteur digital allumé (ou de mettre le régulateur de vitesse) si l’on ne veut pas perdre son permis car d’une pichenette sur l’accélérateur, on se retrouve la tête collée contre le repose-tête et à des vitesses hélas prohibées aujourd’hui alors que la sécurité est totale ! Ce qui est sympa c’est qu’on sent le passage vers 80 km/h du deuxième rapport de vitesse (il n’y en pas d’autres ensuite…) si on accélère assez fort ! Le réglage général en position « normale » est un idéal compromis entre douceur et fermeté et je me vois bien partir faire ainsi 1000 km sans aucun problème pour mes vertèbres sans oublier une onctuosité du moteur certaine ! Mais il est temps de passer aux choses sérieuses car si je suis là c’est avant tout pour voir si le Taycan est bien une vraie Porche côté châssis, freins, direction, alors prenons les chemins de traverse !
Routes secondaires
Dans ma région normande, j’ai l’habitude lorsque j’essaie une voiture de faire à peu près le même parcours de 100 km qui me mène sur la côte par de petites routes, sinueuses, vallonnées, au revêtement approximatif mettant en valeur positivement ou négativement les caractéristiques du modèle. Et là, alors que je m’attendais à une voiture pataude, ou plutôt pleine de qualités mais insipide, je vais être totalement surpris.
Très vite, je me rends compte qu’il faut passer en mode « sport » pour mieux sentir ce qui se passe sur le châssis et le moteur. Dans cette configuration si l’option a été retenue, le son change et devient un « son sport électrique » que l’on n’entend bien et pas désagréable. Le châssis, de son côté, devient très précis et il absorbe absolument toutes les bosses sans me secouer comme un prunier. Le train avant, malgré le poids n’est pas mou et se met exactement où l’on veut. Grâce aux roues directrices ajoutées à l’arrière, j’enroule les virages à large rayon avec une précision chirurgicale. Les ingénieurs ont réussi à concevoir une direction que je qualifierai de parfaite : consistance, démultiplication, précision et même le ressenti dans le sens où elle n’efface pas tout ce qui se passe sous le train avant alors que celui-ci par ailleurs est d’une fidélité incroyable. Dans le très sinueux, c’est encore plus jouissif, j’ai pratiquement l’impression d’être au volant de mon Boxster 981 S, c’est dire les qualités du châssis. On en fait ce qu’on veut avec le volant et l’accélérateur en jouant avec les transferts de charge. Il faut dire que les batteries dont le poids est supérieur à une demi-tonne, sont placées au ras du plancher, recentrées au maximum, permettant ainsi d’avoir un centre de gravité particulièrement bas favorable au comportement routier.
Côté freinage, vu la masse, on peut dire que celui-ci est excellent car vu les accélérations, donc les vitesses atteintes entre chaque virage, il a fort à faire. Mais il faut quand même raison garder car ce n’est pas une ballerine de 1100 kg qui doit ralentir mais plus du double, d’où l’importance d’avoir toujours un œil sur le compteur pour éviter de se faire piéger ! Côté endurance, je n’ai pas pu juger, seule une descente en montagne permettrait certainement de voir assez vite la limite des freins car il ne peut y avoir de miracle avec un tel poids !
Pour voir, j’ai terminé la fin de ce parcours en sélectionnant le « sport plus » pour me rendre compte que sur les mauvais revêtements la suspension était alors trop dure mais que par contre une fois sur l’autoroute l’accélération devenait démoniaque, les voitures doublées ne disparaissant pas… mais s’effaçant dans le rétroviseur ! Il restait le réglage « individuel » mais mon essai hélas trop bref ne m’a pas permis de l’utiliser…
Mais attention, vu la masse, je pense que sur le mouillé, le comportement doit être beaucoup plus pointu et que les 2300 kg doivent embarquer rapidement…donc méfiance !
Conclusion
Oui, le Taycan est une vraie Porsche, oui le Taycan a une âme comme l’ont une 992 et un Cayman GTS, oui si j’avais 35 ans, deux jeunes enfants et les moyens financiers j’en achèterais une tout en étant conscient que l’autonomie permise par les batteries aujourd’hui demande lorsqu’on veut faire un long voyage une autre philosophie pour effectuer celui-ci. Car c’est là le seul vrai problème du Taycan, et de toutes les voitures électriques aujourd’hui, si en roulant calmement tout en se faisant plaisir lors de doublements par exemple on peut espérer faire environ 370 km (pour 450 km donnés par Porsche), c’est vraiment juste même si en utilisant les bornes de charge Ionity (pas assez nombreuses en France pour l’instant) et ceci dans les meilleures conditions on peut récupérer 80 % d’autonomie en moins de 45 minutes….
Un grand merci à Eric Antoine, responsable du Centre Porsche IMSA Caen, pour le prêt de ce superbe et envoutant Taycan Turbo qui se fera un plaisir de vous le faire essayer…et peut-être de vous le faire adopter. Tel : 02 31 70 99 11
Passionné parmi les passionnés, Thierry est avant tout un technicien hors pair. Rédacteur d’expérience, expert reconnu des Porsche à air, il est passé par les rédactions de RS Magazine (3 ans) et de Flat 6 (10 ans) avant de nous rejoindre en 2018. Pour Thierry, comme pour Léonard de Vinci : « Les détails font la perfection, et la perfection n’est pas un détail. »