Né en 1947, Jürgen Barth est tombé très tôt dans la marmite… Son père Edgar fut pilote de Formule 1. Le fiston a suivi les traces paternelles. Longtemps pilote d’usine Porsche, Jürgen Barth a contribué au développement de modèles mythiques, à l’image des 956 et 962… Mais l’homme a également participé aux 24 Heures du Spa. Ou encore aux 24 Heures du Mans avec une victoire en 1977 aux côtés de Jacky Ickx et Hurley Haywood, au volant d’une Porsche 936. Véritable touche-à-tout, virtuose de la mécanique et doté d’un bon coup de volant, Jürgen a accepté de répondre à nos questions. Chronique d’une interview que nous ne sommes près d’oublier…
Jürgen votre première participation aux 24 Heures du Mans, en 1971, s’est soldée par une huitième position, comment réussit-on un tel exploit ?
C’était assez intéressant parce que je roulais avec un pilote sarthois, René Mazzia un entrepreneur au Mans. Je suis arrivé là-bas je ne parlais pas beaucoup français. D’ailleurs, les deux seuls mots que je connaissais étaient « marteau » et « tournevis ». Au moment où j’ai dû aller faire la vérification de la voiture, j’avais entendu un drôle de bruit dans le moteur.
Après cette vérification j’avais décidé d’enlever le moteur de la voiture et de démonter le moteur le lundi soir même, et c’est là que j’ai vu que le piston avait touché la culasse. Je n’avais aucun matériel… J’avais pris un élément pour enlever le matériel du piston et j’en ai profité pour remonter le tout ensemble. Après cela, tout roulait très – très – bien. C’était moi qui conduisait de nuit, car René n’aimait pas cela. Pour ne pas nous faire prendre, je mettais son casque et ainsi, le commissaire de stand ne voyait pas la différence. À la fin nous étions arrivés à une très bonne place puisque nous étions premiers en GT. Mais notre couple conique a rendu l’âme au pire moment, nous avons dû rouler doucement et fini deuxième à la classe. C’est comme cela que j’ai finis ma première fois au Mans, c’était fantastique.
En 1977, vous aviez remporté les 24 Heures du Mans aux côtés de Jacky Ickx et Hurley Haywood. Que ressent on à ce moment là ?
C’était une course vraiment intéressante. Nous nous sommes bagarrés contre Renault (ndlr : des Alpine A442). Notre team Porsche Racing avait 3 voitures, dont la 935 et la 936 avec Jacky Ickx et Henri Pescarolo. Hélas les deux voitures se sont cassées très vite. Notre voiture aussi avait un problème de pompe à injection. Et cela, dès le début de la course… Nous avions perdu 25 minutes aux stands.
Une fois la réparation faite, nous reprenions environ à la quarantième place. C’était compliqué. Après la casse de la voiture de Jacky Ickx, l’usine a décidé de le mettre avec moi en double voiture. Nous roulions comme des dingues ! Mention spéciale à Jacky qui roulait incroyablement vite, surtout dans les virages. Petite anecdote rigolote, il n’aimait pas ma voiture, mais à la fin, nous avions été plus vite avec la mienne !
Hurley Haywood nous a rejoints, mais au bout de son deuxième tour le moteur s’est cassé, c’était frustrant. Le piston s’était grippé, ce qui causa un trou dedans, et un arrêt de 45 minutes aux stands. Pendant ce temps, tous nos concurrents s’étaient classés… C’était compliqué, car quand vous rentrez au stand au Mans, vous commencez déjà un nouveau tour, et nous devions faire ce dernier tour en maximum 3 fois le temps de qualification initial. Pour réussir à temps, la team avait mis une montre dans ma Porsche, et ça a fonctionné, nous avions fini premiers !
Avant la compétition vous étiez pilote d’usine Porsche en sport prototype, en quoi consistait votre travail ?
D’abord, j’ai commencé chez Porsche comme apprenti mécanique, puis en apprenti business, jusqu’en 1982 où j’ai continué au service client pour montrer notamment les modèles 962 et 956. Dans la même année, j’ai fini troisième en tant que pilote réserve.
Quel évènement vous a le plus marqué durant votre carrière de pilote ?
Je suis très content d’avoir gagné les 1 000 kilomètres du Nürburgring où j’ai gagné la bague qui ne me quitte plus depuis. Ce que j’adore faire aussi ce sont les rallyes extrêmes, comme celui de Monte-Carlo en 1979, avec Roland Kussmau, au volant d’une Porsche 924 Turbo. J’ai un souvenir particulier pour celui de 1979 en Australie. Nous avions 20 000 kilomètres à parcourir en 2 semaines seulement, avec notre Porsche 924 Carrera dans des conditions bien difficiles.
Que conseillerez-vous à un pilote débutant ?
De rouler toujours avec la tête, de prendre le virage doucement et de sortir vite.
L’Adac GT Master que vous avez fondé en 2007 se déroule en ce moment même, comment vous est venue l’idée de ce championnat ?
La petite histoire débute avec Patrick Peter et Stéphane Ratel, nous avions créé le BPR (Barth – Peter – Ratel). En 1992, le groupe C était timide et il n’y avait plus de course pour « vendre des voitures ». Après 2 ans de course GT, il y a eu tellement de succès, que pour la course des 1 000 kilomètres de Suzuka, environ 53 voitures étaient venues spécialement d’Europe.
Après cela, Bernie Ecclestone est arrivé… Mais il n’aimait pas les modèles de cette série. En parallèle il commençait à faire de la télévision. S’en suivit une grande bagarre entre Patrick Peter et lui. Peter entama un procès contre Ecclestone et il le gagna. Mais il à dû prendre congé. Par la suite; avec Stéphane Ratel, nous avons commencé à créer et organiser des courses GT en France et en Allemagne.
Quels véhicules trouve-t-on dans votre garage ?
Je possède 2 Porsche 911 3.0 turbo, mes Porsche 924 de courses (de Monte-Carlo, et d’autres, comme le Safari), et ma Porsche 356.
À quoi ressemblent vos journées désormais ?
Je me réveille 8 h 30 ou 9 h 00, et passe la journée à travailler à mon bureau de 9 h 30 à 19 h 30.
Que pensez vous de l’évolution des porsche 911 modernes, depuis la 991 phase 2 et les carrera turbo ?
Ils ont des belles voitures, mais elles sont devenues très imposantes… Je préfère une 911 SC (de préférence en cabriolet) pour les petites routes de campagne plutôt qu’une 991 ou une 992 ! Mais pour le quotidien, je préfère tout aussi bien un Cayenne ou un Macan, pour le confort.
Quel est votre avis sur l’électrification future des différentes gammes de porsche ?
Je suis très confiant ! D’ailleurs je roule déjà en Porsche Cayenne Hybrid. En ville, je conduis en mode tout électrique. À mon avis, la Taycan va être une voiture phénoménale. Le monde à besoin de cela, il a besoin de changer, de s’adapter. Il y a une vraie demande en Allemagne. De plus je suis toujours surpris par l’accélération de mon Cayenne en mode tout électrique ! La seule chose que je regrette lorsque je roule à son bord, c’est que les points de recharge ne sont pas affichés clairement.
Merci Jürgen !
Journaliste auto depuis plus de 10 ans. Fait une fixation sur les Porsche à air. Ne souhaite pas se faire soigner de cette addiction !