Nous vous livrons ce jour, l’interview d’Alexis Goure, photographe officiel Porsche Carrera Cup France, mais également photographe officiel Porsche France pour l’événementiel hors presse. Pour agrémenter son interview et pour notre seul plaisir, Alexis nous a transmis quelques beaux clichés réalisés sur les plus beaux circuits du monde.
A consulter également :
Résultats de la Porsche Carrera Cup France 2017 – Général
Classement général / Team de la Porsche Carrera Cup France 2017
Résultats de la Porsche Carrera Cup France 2017 – Catégorie B
Classement de la Porsche Carrera Cup France 2017 – Catégorie B
Avant tout Alexis, je te propose de te présenter en quelques mots….
J’ai 31 ans, j’habite à Toulouse, je fais de la photo depuis Juin 2006 et je suis pro depuis bientôt 5 ans. Précisément depuis septembre 2012.
Comment es-tu tombé dans la photo ? Qu’est-ce qui t’a donné cette passion ?
En fait, je suis originaire de Nantes. Juste après mon BAC, j’ai déménagé pour faire un DUT Génie Mécanique & Productique à l’IUT Le Mans. A la base, je m’intéressais surtout à la moto. Arrivé au Mans, je découvre le milieu du sport automobile et le circuit avec mes amis. De fil en aiguille, j’assiste aux 24H du Mans en tant que spectateur, mais je me rends en fait au circuit toutes les semaines, car il y a tout le temps des voitures qui y tournent. À un moment donné, en 2006, je me dis : les 24H du Mans c’est bien en tant que spectateur, mais il y a un réel potentiel en photo et cela me donne envie. À ce moment, je décide d’acheter mon premier Reflex, pour avoir un rendu plus qualitatif.
Quel a été ton premier boîtier ?
Et bien, à l’époque j’ai commencé avec un Canon 350D. Je l’ai reçu le premier jour des 24H du Mans de 2006, le jour de la parade. Depuis, je n’ai pas manqué une seule fois les 24H du Mans en dehors des éditions 2010 et 2011, en raison de mes études. Cela tombait pendant les partiels. Par ailleurs, depuis 2012, je suis accrédité en tant que pro.
Peux-tu nous décrire tes débuts dans le monde fermé du sport automobile ?
À partir de cette époque, à chaque fois que j’en avais l’occasion, je partais en reportage photo. J’ai commencé à me faire connaître en parcourant les forums sur Internet, cela marchait très bien à l’époque. Je m’inscrivais sur tous les forums qui parlaient de voitures de sport et tout particulièrement de Porsche et de Lotus. Cela m’avait permis de trouver des propriétaires qui étaient partants pour faire des photos de leur voiture. Ces shooting avec des particuliers m’ont permis de m’entraîner et de me faire la main. Aujourd’hui, c’est plus Facebook, Twitter et autres qui ont pris le relais. En 2012, je me suis alors dit que cela vaudrait peut-être le coup de me lancer en tant que pro vu l’expérience acquise au fil du temps. C’est également cette année que j’ai décroché mon Master en Marketing. Après 6 ans d’expérience dans la photo amateur, et avec mon Master comme roue de secours, je me suis dit que c’était le moment de me lancer. Alors que j’avais déménagé à Toulouse pour mes études de Marketing en 2009, à ce moment, en 2012, j’ai pris la décision de me rapprocher du Mans pour me rapprocher des circuits. J’y suis resté jusqu’en 2014 puis je suis retourné sur Toulouse.
Avant de devenir un photographe reconnu dans le monde du sport automobile, qu’elles ont été pour toi les étapes importantes de ton apprentissage en tant que photographe professionnel ?
Mon déménagement au Mans en 2012 est quelque chose qui m’a vraiment boosté, car je n’y suis retourné que pour la photo et rien d’autre. De 2012 à 2014, je n’ai fait que ça.
Par ailleurs, je suis très présent sur Internet et notamment sur les réseaux sociaux. Cela m’a permis de me faire connaître très rapidement. Je suis également beaucoup de photographes pro à l’international, tout particulièrement ceux spécialisés dans le sport automobile. Je regarde beaucoup ce qui se fait pour m’en inspirer tout en y laissant mon empreinte. C’est également ce qui me permet de me remettre en question, car il faut prendre du recul sur ce qu’on fait pour progresser. En tant que photographe, il faut être conscient qu’on peut toujours s’améliorer. C’est en même temps ce qui est plaisant dans la photographie. Le fait de ne jamais faire la même chose. C’est également une satisfaction personnelle aussi de se sentir progresser, pour soi comme pour ses clients. Pour moi, je ne vois pas la photo comme un travail ou une corvée, il faut que cela reste avant tout un plaisir. Dans cette même optique, j’ai toujours cherché à trouver des clients et des reportages qui me conviennent. Il m’est arrivé de refuser des reportages, car je ne les sentais pas et je savais que je n’aurais pas de plaisir à le faire.
Justement, certains photographes ont-ils été pour toi des sources d’inspiration et de qui s’agit-il ?
Je précise, actuellement, ma vision de la photo a évolué. Mon œil a évolué depuis mes débuts. Je pourrais en citer un grand nombre, mais je vais me limiter aux 3 plus grands à mes yeux, sachant que ma culture est plus axée photo d’endurance. Le premier, qui pour moi est le plus grand, c’est Camden Trasher. Le deuxième c’est Drew Gibson, un anglais qui s’occupe des photos d’Aston Martin et maintenant de Ford et enfin Jamey Price qui est également excellent. Après, il y a d’excellents photographes en F1 qui est un milieu élitiste. Il est normal d’y trouver des photographes figurant parmi les meilleurs au monde, mais je m’y intéresse de très loin, car je suis très spécialisé dans la photo d’endurance. Je citerais juste celui qui est le meilleur à mes yeux, Vladimir RYS, qui a un style très épuré. J’aime vraiment son travail.
Quels autres domaines de la photo t’intéressent, ou as-tu envie d’expérimenter en dehors du sport automobile ?
Je suis curieux de nature. Hier, par exemple, j’ai fait des photos d’apnée, cela m’a beaucoup plu. J’y ai pris beaucoup de plaisir. Cela changeait un peu du milieu du sport auto. Après, il y a tellement de choses à faire en photo automobile , tant que je n’ai pas encore exploré tout cela, tant que je n’ai jamais atteint mes limites dans ce domaine, je ne me vois pas changer. J’ai encore tellement de choses à explorer. Après dans d’autres disciplines, cela peut aussi être intéressant.
Tu passes beaucoup de temps sur les circuits. Quels pilotes apprécies-tu sur circuit ou en dehors ?
Celui avec qui j’apprécie le plus de travailler, c’est Patrick PILET. Il est pilote Porsche et parrain de la Porsche Carrera Cup France. C’est quelqu’un de très humain que j’apprécie beaucoup, tout comme Romain DUMAS d’ailleurs, avec qui je m’entends très bien. Après je côtoie de très nombreux pilotes sur circuit, et tout particulièrement les tops pilotes Porsche et Audi. Mais je n’accorde pas trop d’importance à la célébrité de ces pilotes. Shooter Hamilton, ce n’est pas obligatoirement ce qui m’intéresse le plus.
Quel est le reportage qui t’a, d’une façon ou d’une autre, le plus marqué ?
Clairement, il s’agit de mon shooting des premiers essais avec la Cup, sur le circuit Paul Ricard. Je passais à l’époque d’une clientèle de particuliers, de petits clubs, de petites entreprises à Porsche France pour couvrir avec la Cup. Et là, du jour au lendemain, je prends la place d’une grosse agence photos, de renommée, qui couvrait depuis 10 ans le championnat. Là, je me retrouve tout seul à gérer un événement majeur. J’avais, à ce moment, une grosse pression, mais en même c’était tellement excitant de couvrir un tel événement, d’autant plus qu’ils venaient de recevoir les nouvelles 991. Je les vois encore là toutes alignées sur le circuit Paul Ricard du Castellet. La Cup a changé beaucoup de choses pour moi et en cela, c’est le reportage qui m’a le plus marqué.
Dans tous tes clichés, on peut remarquer un traitement qui permet de bien ancrer l’atmosphère de la photo. Comment travailles-tu tes développements ? Quels outils et quelles techniques utilises-tu ? Quelle approche est ton approche ?
Comme beaucoup de photographes, j’utilise en post-traitement Adobe Lightroom. Ce logiciel me permet d’être beaucoup plus efficace. Cela me fait d’ailleurs penser à une anecdote qui remonte à 2 ans. J’étais en phase de post-traitement de mes prises et Patrick PILET m’a regardé faire, et là il me dit : « ton truc c’est Instagram » et là je lui ai répondu que c’est tout à fait cela. En fait, avec le temps, c’est un logiciel avec lequel j’ai créé un certain nombre de filtres, et puis avec le temps, cela me permet de traiter mes photos en à peu près 3 à 4 secondes. Après, il est sûr que j’ai une vision de la photo qui m’est propre, j’essaye toujours d’avoir des teintes qui seront claires, que ce soit lumineux, coloré, chaud. Je ne suis pas du tout dans une ambiance dramatique, je veux que cela donne envie, que ce soit joyeux. Je passe au final, très peu de temps en post-traitement. Avec les boîtiers en plein format, on a quand même la possibilité de récupérer assez facilement toutes les zones, qu’elles soient sur ou sous-exposées en post-traitement. Après, j’ai l’habitude, et c’est une de mes grosses particularités de travailler en format RAW. Cela nécessite une excellente capacité de stockage. Pour un week-end de photo, j’en ai pour à peu près 200Go de photos, alors que si je shootai en jpeg, j’en aurais pour 50Go, pas plus. Mais après, en qualité d’images, en post-traitement, cela me dépanne énormément. Après au niveau informatique, je travaille exclusivement avec un Mac depuis 2013, car en rapidité de traitement en termes de fiabilité, le Mac est largement au-dessus des PC. Après, tous les imprimeurs, les agences de communication, les maisons d’édition travaillent sur Mac, et cela évite toutes mauvaises surprises au niveau du rendu. Mon écran étant parfaitement calibré, je sais qu’on aura tous le même rendu au final.
D’un point de vue plus technique, quel genre de matériel photo utilises-tu ? Et quels sont tes deux objectifs favoris et pourquoi ?
En boîtier actuellement, pour tout ce qui est ambiance, portrait, je travaille avec un 5D Mark IV, un 5D Mark III en boitier de remplacement et un Canon 7D Mark II exclusivement dédié aux photos sur pistes.
Après en termes d’objectif, mon objectif préféré c’est le 50mm avec focale de 1,2. C’est celui que j’utilise pour les portraits. Ensuite, j’ai mon 24mm avec focale de 1,4 qui est très créatif comme objectif car on peut faire de superbes photos d’ambiance, mais aussi faire le focus sur un élément en particulier, sur un pilote, un regard. J’ai encore quelques zoom, mais les focales fixes sont celles que j’affectionne le plus.
Pour la piste, je me suis équipé d’un 200-400mm de chez Canon. Je l’ai depuis 2 mois et là j’ai hâte de le ressortir à Spa pour me faire plaisir avec sur la piste.
Quelles sont les contraintes techniques dans la photographie en sport automobile ?
De manière globale, par rapport au milieu du sport auto , que ce soit en photo de piste ou d’ambiance, la principale contrainte est la réactivité. Les pilotes, par exemple, en Cup, roulent entre 12 et 15 tours sur une course. Cela nécessite beaucoup de réactivité. Il faut avoir le retour des voitures dans les stands, les moments de joies, d’ambiance, les podiums, les moments clés sur la piste… tout cela en 30 à 40 minutes maximum. La plus grosse contrainte en Cup, c’est le timing. Que ce soit essais, qualifications et courses, tout est court. Il faut avoir, à la fin du week-end, toutes les voitures en course en photo, tous les pilotes en portrait. Il y a une contrainte que je m’impose, quel que soit le type de reportage : je me mets à la place de la personne qui réceptionnera mon album à la fin du week-end. Je ne veux pas que la personne se lasse en regardant le reportage. Je m’impose une très grande diversité dans les prises de vue. Sur une course de 15 tours en Cup, j’essaye d’avoir 3 à 5 points de vue différents, il faut que j’arrive à faire 2 à 3 virages, des photos de la voiture en zoom, filé, de la face avant, en ¾ avant, ¾ arrière.
Après il y a aussi la contrainte technique. Il s’agit d’avoir de bons objectifs, et là, c’est un budget. Après en ambiance, j’essaie d’avoir des clichés à la fois intéressants en termes de pose, mais aussi le plus naturel possible. Pour cela, il faut essayer d’anticiper la réaction des pilotes, de l’entourage du pilote. Et avec l’expérience, il est aussi plus facile d’anticiper ce qui se passe lors d’un ravitaillement, d’un arrêt au stand ou d’un changement de pilote. En arrivant à mieux comprendre comment tout cela se passe, il est plus facile d’arriver au résultat escompté, car au préalable, il faut avoir la photo en tête.
Pour finir, il y a la contrainte de la pression, car en tant que photographe pro, j’ai une obligation de résultat vis-à-vis du client, aussi bien en termes de volume que de qualité. La qualité du reportage est essentielle. Ce n’est pas toujours évident de produire des photos différentes lorsque tu photographies des voitures qui sont toujours identiques. Que ce soit en Porsche Carrera Cup ou le Porsche Club Motorsport, il s’agit toujours des mêmes voitures, de 20 voitures identiques. En plus, les épreuves se déroulent toujours sur les mêmes circuits. Et il faut toujours essayer de trouver de nouveaux points de vue, pour que le client, le lecteur et même soi-même, on ne se lasse pas. De savoir qu’à tel virage, à telle heure, tu as une lumière magnifique, c’est tomber dans la facilité. Il y a beaucoup de photographes qui tombent dans cette facilité. Pourquoi… car à un moment donné, il y a tellement de contraintes à intégrer, on a vite fait de tomber dans la facilité. Et je trouve cela dommage. Cela vaut le coup, de temps en temps, de rechercher de la nouveauté. Le but, ce n’est pas de faire de la photo, c’est de faire de la belle photo.
Au quotidien, quels sont les moments que tu apprécies tout particulièrement dans ta carrière de photographe automobile ?
Sans hésiter, les voyages. J’ai toujours eu envie de voyager et l’intérêt de la profession de photographe professionnel, c’est de te permettre de voyager à moindres frais. Même si pour l’instant, je voyage plutôt en France et en Europe, et peu à l’international, j’ai l’ambition d’en faire beaucoup plus dans les années à venir.
Par ailleurs, j’ai la chance de travailler pour une marque prestigieuse comme Porsche, une marque, que j’appréciais déjà à la base tout particulièrement. L’univers Porsche est un univers que j’apprécie beaucoup. Il s’agit de personnes très sympathiques, accessibles et très abordables. Les gens pourraient penser que, de par leur statut, il s’agit de personnes peu abordables. Mais bien au contraire. Et c’est aussi ce qui fait que je prends énormément de plaisir à travailler avec Porsche.
Après, les rencontres sont un autre aspect de ce métier qui est des plus appréciable. Qu’il s’agisse des pilotes, du staff, des ingénieurs, des mécaniciens, cela me permet de faire belles rencontres. Sur la Porsche Carrera Cup par exemple, il s’agit d’un petit monde, et au final, on finit par tous se connaître et c’est un milieu où règne une ambiance des plus sympathique.
Quels évènements couvriras-tu cette année ?
Et bien là, je couvre la Porsche Carrera Cup ainsi que le Porsche Club Motorsport pour la première année. Je travaillerai aussi sur la Porsche Carrera Cup Asie sur 2 courses. Je couvre également une partie de l’événementiel Porsche France hors presse. Cela concerne les évènements comme Rétromobile, le Salon de l’Automobile à Paris, le concours de restauration de Classic. Je travaille aussi de manière régulière avec l’ACO (l’Automobile Club de l’Ouest) qui s’occupe, entre autres de l’organisation des 24H du Mans. Je travaille aussi pour d’autres clients, mais là ce sera plutôt du one shot.
Quelles sont tes périodes de liberté durant l’année.
Pendant l’été je m’arrête au mois d’août, puis je reprends en septembre pour finir en novembre. La reprise de la saison se fait en mars. Après, pour avoir plus d’activité en hiver, il faudrait que je couvre davantage d’évènements à l’international. Ce que je fais déjà avec la Porsche Carrera Cup Asia, mais cela ne concerne que 2 à 3 courses et en plus, leur saison se déroule au même moment que la nôtre, de mars à novembre. A ma connaissance, la seule Cup qui se déroule en hiver, c’est la Cup Middle East qui se déroule de novembre à avril. Après, en janvier, il y a éventuellement les 24H de Dubaï, ou encore les 24H de Daytona. Cette période là pour moi, c’est surtout une période que j’occupe à rechercher de nouveaux clients et contrats.
Un petit mot de la fin ?
Et bien, je veux remercier mes clients qui me soutiennent et me permettent de vivre cette passion. Bien évidemment, je remercie tout particulièrement Porsche. Je ne citerais pas de noms, car ils sont très nombreux. Ce genre d’interview, ça motive, ça donne envie de faire mieux et de toujours se dépasser.
Merci Alexis pour nous avoir partagé ton expérience de photographe professionnel et t’être livré aussi sincèrement lors de cette interview. Au plaisir de te recroiser sur les pistes.
Porschiste passionné et pratiquant, membre de la Fédération des Porsche Club de France, digital addict et rédacteur en Chef de 911andCo